Feux de forêts



Cette partie présente un modèle de propagation hybride stochastique/déterministe de feux de forêt. Stochastique car celui-ci repose sur une discrétisation, à l'échelle gigascopique de la forêt, en sites combustibles, reliés en un réseau de type "petit monde local" [Watts & Strogatz en 1998]. Déterministe car les phénomènes qui pilotent la propagation, tels que le rayonnement des flammes ou encore l'inflammation d'un site végétal, sont traités de façon déterministe, à l'échelle macroscopique, au travers de procédures de pondération de sites et de liens basées sur la physique du feu. Le rayonnement des flammes, considéré comme le mode de transfert de chaleur prépondérant, est calculé par une Méthode de Monte Carlo. Quelques unes des applications possibles qu'offrent ce couplage sont présentées.

  •   Vulnérabilité des interfaces forêts-habitats

La multiplication des zones de contact entre milieux naturels et habitat induit une augmentation du risque incendie. Ces interfaces sont à la fois sources privilégiées de départs de feux et vulnérables à l’incendie. Les projections de changement climatique et de dynamique du territoire laissent entrevoir une augmentation de la fréquence des situations où le feu menace de façon directe les biens et les personnes. Dans ce contexte, nous avons développé plusieurs outils permettant le dimensionnement d'ouvrages de défense [1]. Ci-dessous une vidéo montrant le résultat d'une simulation d'un front de flamme se propageant en direction d'une zone débroussaillée au centre de laquelle se trouve une structure. L'évolution du flux radiatif reçu par chacune des faces de cette structure permet d'identifier le niveau d'exposition en fonction des paramètres du feu (ex: type de végétation) mais aussi en fonction du rayon de débroussaillement.
Fig-1a Modélisation de l'impact radiatif d'un front de flamme sur une structure située au centre d'une zone débroussaillée de 50m. Fig-1b Évolution du flux radiatif sur les 4 faces de la structure. Le front est constitué de flammes de hauteur 9m, de rayon 1.25 m, inclinées à 30° et de pouvoir émissif 57 kW/m².

  • Efficacité des coupures de combustible
Pour stopper la propagation des grands incendies, l'aménagement de coupures de combustible est une solution avérée. Ces ouvrages consistent à traiter la végétation (débroussaillement, implantation d'espèces moins combustibles, ...) dans le but de ralentir, voir arrêter la propagation du feu. On parle alors de coupures percolatives. Le dimensionnement (largeur, taux d'occupation,...) dépend de nombreux paramètres tels que la topographie, le vent, la végétation, .... Il faut alors avoir recours à la simulation. La vidéo ci-dessous montre le résultat d'une simulation réalisée sur un réseau amorphe constitué de sites sphériques occupant 33% de la surface au sol. L'évolution de la fraction brûlée en fonction du taux d'occupation (Fig-2b) permet d'identifier, pour un vent donné, la valeur critique correspondant à la transition propagation/non-propagation (traits pointillé). Cette transition correspond à une transition de phase du 2nd ordre.
Fig-2a Simulation de propagation sur un réseau amorphe. Le taux d'occupation est de p=0.33 et le vent U=12m/s. Fig-2b Évolution de la fraction brûlée en fonction du taux d'occupation pour 3 vitesses de vent: U=0, 6 et 12 m/s.


  • Simulation de propagation à grande échelle
Le modèle de propagation a été validé sur des brûlages dirigés et sur plusieurs feux historiques, montrant un bon accord en termes de surface brûlée, de vitesse de propagation, de contours de feu, et de propriétés fractales [3]. La validation suivante a été réalisée dans le cadre du Groupement de Recherche « FEUX » du CNRS (GdR CNRS n° 2864). Les contours calculés par le modèle sont comparés à ceux mesurés par le CEREN de Valabre sur un feu historique. Cet incendie est consécutif à deux départs de feu considérés concomitants.
Fig-3 Feu de Lançon (2005, 700 ha). Comparaison des contours de feux simulés (en rouge) et réels (en blanc) après 2h (à gauche) et 4h (à droite) de propagation.

L'effet du relief est pris en compte en utilisant un MNT de résolution 50m fourni par l'IGN. Le vent local est simulé à l'aide du logiciel FLOWSTAR. Le modèle a ensuite était utilisé pour étudier le comportement fractal des grands feux, optimiser le nombre et l’emplacement d’un réseau de capteurs déployés dans la végétation dans le but de localiser précisément et détecter précocement le départ d’un feu [2] ou encore réaliser des études de risque incendie.

Fig-4 Simulation de propagation à Pastre, Marseille (lat 43.233°, long 5.371°). Le vent moyen est estimé à U=30km/h, d'orientation 330° et la végétation constitué de chêne kermès.


  • Effet 'petit monde' et contours fractals
L'observation des images satellites montrent un comportement fractal des grands incendies, caractérisé par la présence d'amas imbrulés, de lacunarités et de digitations.  Cette constatation a conduit certains auteurs [4] à introduire un nouveau paramètre pour caractériser les conséquences d'un incendie: la dimension fractale. Pour les écosystèmes méditerranéens la dimension fractale du périmètre brûlé avoisine la valeur de 1.9.
Fig-5 A gauche, image prise par le satellite MODIS montrant la surface touchée par un feu en juillet 2003 dans le nord de l'Italie. A droite, animation d'une simulation de propagation d'un feu sur un terrain sans vent ni pente et pour un taux de couverture végétale de 42%.

Si l'on souhaite estimer la surface réellement brûlée, pour estimer la quantité de particules et de gaz à effet de serre relâchée dans l'atmosphère par exemple, il convient de disposer d'un modèle qui reproduise ce comportement. 


References

[1] Y. Billaud, A. Kaiss, J-L. Consalvi, B. Porterie. "Monte Carlo Estimation of Thermal Radiation from Wildland fires". International Journal of thermal sciences. 2011, Volume: 50, Pages : 2-11.
[2] http://yann-billaud.blogspot.fr/p/blog-page_3.html
[3] J.K. Adou, Y. Billaud, D.A. Brou, J-P. Clerc, J-L. Consalvi, A. Fuentes, A. Kaiss, F. Nmira, B. Porterie, L. Zekri, N. Zekri. "Simulating wildfire patterns using a small-world network model". Ecological Modelling. 2010, Volume 221, Issue : 11, Pages : 1463-71.
[4] G. Caldarelli, R. Frondoni, A. Gabrielli, M. Montuori, R. Retzlaff, C. Ricotta. "Analysis of fire spread in light forest fuels". Europhysics letters. 2001

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